bruno V.

 

Le cheminot

 

 

De tous mes mystères

Quand j’avais trois ans

Je revois mon père

Deux étoiles d’argent

Haut comme trois pommes

Tu dessines le monde

A travers cet homme

Qui mène la ronde

Je te voyais

Derrière ton guichet

Je t’imaginais

Chef de gare du quai

Et je croyais

Qu’avec ton sifflet

Le train t’écoutait

Que tu commandais

 

Des journées sans classe

Nous partions vivaces

Te rejoindre au quai

Te porter le panier

Dans une boite métal

Une soupe un kasdal

Je te vois ravis

De montrer tes petits

De ces instants

Doux raides et violents

Je me rappelle

Ton rire à voyage

Et tes caresses

Sur nos visages

Et tes mains chaudes

Fortes nous protégeant

 

Parfois tu rentrais

L’haleine chargée

La femme que tu aimais

Niait tes baisers

Pour nous protéger

De cet amour ivre

Elle nous cachait

Dans le placard à vivre

Des chocs nocturnes

A mourir de peur

Des rêves de plaine

Et faible lueur

Nous écoutions

Membres tremblotants

L’ogre reniflant

D’acides ronflements

 

Des scènes de ménage

Aux commères d’étage

Du cocu quartier

A l’ivrogne blessé

Son cœur transformé

En étoile filante

Votre amour raté

Huit bouches en attente

Tu es parti

Suicide à la clef

Porte entrebâillée

Sur l’affreux spectacle

La déchirure

Sur un long courrier

Aime nos enfants

Espère un miracle

 

Que s’est-il passé

Après ces années

J’ai perdu la voix

Durant trente-six mois

Des journées entières

Errant dans les pierres

J’espérais en vain

Retrouver ta main

Et j’ai grandi

Dans des halles de gare

Des rails des dépôts

Ambiance de cafard

A la recherche

De tickets gagnants

D’une casquette bleue

Et d’étoiles d’argent

 

De tous mes mystères

Quand j’avais trois ans

Je revois mon père

Deux étoiles d’argent

 

 

 

Paroles et musique: Bruno V.

arrangements: Yannick Moinat

Voix: Patricia Murtas

Mix: François Dietz

@1996

 

 

 

 

 

 

 

bruno V.

 

 

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